Vous trouvez les déplacements en train compliqués en France ? Essayez de voyager avec un vélo, vous ne serez pas déçu. Nous avons tenté l'aventure. C'est pire que Koh Lanta !
Ah, la France, ce pays béni des dieux du vélo. Des paysages à couper le souffle, des voies vertes à foison, des haltes gourmandes qui fleurent bon le terroir... Et pourtant, il suffit de vouloir combiner train et vélo pour que le rêve prenne un petit coup de frein et devienne un véritable cauchemar.
Avec les beaux jours qui pointent leur nez et les week-ends prolongés qui s’enchaînent comme des rayons dans une roue, beaucoup d’entre nous lorgnent vers une échappée belle. Un voyage en mode doux, cheveux au vent, sacoches chargées de promesses. Oui, mais voilà, avant de pédaler, encore faut-il... embarquer. Et là, tout dépend du TER. Un vrai parcours du combattant.
TER : la loterie du rail pour cyclistes
Soyons clairs : le TER, c’est la colonne vertébrale du vélotourisme. Ces trains régionaux irriguent les territoires, traversent les vallées oubliées, serpentent entre les vignes et s’arrêtent à deux pas de la voie verte. En théorie, c’est l’allié parfait du cycliste. En pratique, c’est parfois et bien trop souvent une autre musique.
Certes, il y a les bons élèves, comme en Bretagne, en Nouvelle-Aquitaine ou en Grand Est, où des rames spacieuses accueillent les vélos avec générosité. Et puis, il y a les autres. Ceux où l’on se retrouve à jongler entre les portes étroites, les compartiments saturés, et les contrôleurs qui lèvent les yeux au ciel quand vous débarquez avec votre monture chargée pour la traversée du Massif central. Là, çà coince un peu.
Une demande en roue libre, une offre à la traîne
Et c'est là tout le paradoxe : jamais le vélo n’a autant séduit, jamais les TER n’ont été aussi sollicités pour des escapades cyclables... et pourtant, les capacités vélo stagnent. Ou pire : elles régressent. Certains usagers réguliers racontent des scènes ubuesques, où des cyclistes se retrouvent à attendre un train pendant deux heures parce que le précédent n’avait plus de place.
Et que dire des TGV, dont les rares emplacements vélos (quand ils existent) s’arrachent comme des dossards pour l’Étape du Tour ? Là encore, le message est clair : « Si vous voyagez léger, très en avance et sans ambition spontanée, vous êtes les bienvenus. » Les autres, circulez, il y à rien à voir !
Pourtant, la demande est là. Forte, enthousiaste, militante.
Le vélo, ce n’est pas juste un moyen de transport : c’est un art de vivre, une façon de redécouvrir le territoire, au plus près de ses reliefs et de ses habitants. Ce sont des familles entières qui rêvent de longer la Loire, des groupes d’amis qui veulent rallier la Côte d’Opale depuis Lille, ou des aventuriers solitaires qui filent vers le célèbre Géant de Provence, le bien-nommé Ventoux.
Et tous partagent ce même désir récurrent : pouvoir embarquer leur vélo dans un train, simplement, sans réservation impossible, sans frais cachés, et surtout sans stress. Bref, de vivre avec son temps.
Des signaux positifs… mais encore timides
Mais soyons justes : il y a du mouvement. Certes, imperceptible, mais il y a du mouvement. Certaines régions ont augmenté le nombre de places vélos sur leurs lignes estivales. La SNCF teste de nouveaux aménagements et l’État promet des investissements dans les intermodalités douces. Mais force de constater que ces avancées restent fragmentées, inégales, parfois très saisonnières.
En Allemagne ou en Autriche, embarquer un vélo est une simple formalité. En France, c’est encore un petit combat. Pourtant, au regard des chiffres, le potentiel est énorme : imaginez un pays où chaque gare serait une porte d’entrée vers une grande traversée cyclable. Où les trains seraient pensés comme des lignes de vie pour le tourisme lent. Dans mon imaginaire de doux rêveur, ce pays existe. Il s’appelle peut-être la France, mais il reste à bâtir...
Alors, on fait quoi ?
On pédale, bien sûr. On s’adapte, on réserve quand on peut, on râle un peu mais on sourit souvent. On échange nos bons plans, nos gares « bike-friendly », on partage sur les réseaux sociaux nos lignes à éviter. On milite, aussi, parce que ce combat-là est joyeux, collectif, et avant tout porteur d’avenir.
Et surtout, on n’oublie pas que malgré les galères, le voyage vaut le coup. Parce qu’après ce TER bondé, il y a une voie verte bordée de coquelicots, une ferme qui sent le chèvre chaud, une baignade sauvage à portée de pédale. Alors oui, voyager avec un vélo en train en France, c’est parfois l’aventure. Mais c’est aussi la promesse d’un autre monde. Plus lent. Plus libre. Plus vivant. A nous de le construire.
Henry Salamone / FRANCE SECRÈTE À VÉLO